Billets qui ont 'jeune fille' comme mot-clé.

Opium

Hier, en rentrant de l'Oulipo, à presque minuit.





Il y a quelques semaines, j'ai découvert que je ne pouvais me permettre de ne pas avoir de sommeil en retard: c'est la seule façon de supporter les transports en commun, léthargie comateuse, esprit fermé égaré absorbé par un recoin de ma mémoire.

Souvenir de rentrée en métro






Photo tremblée: le temps que je réagisse, les portes s'étaient ouvertes, la jeune fille sortait.

A la dérobée

Les gens descendent à Chatelet, d'autres montent, un espace se crée entre moi et ma voisine, nous sommes debout collées le long des strapontins, elle légèrement tournée vers moi, le dos au mur. J'observe ses mains, six à huit millimètres d'ongles, french manucure, comment peut-on travailler avec ça, elle est très jeune, plus petite que moi, chemisier blanc tailleur noir, pas de manteau c'est étrange, les yeux lourdement maquillés, la peau ocre, un peu vulgaire mais jolie. Dans l'espace créé par le départ de une ou deux personnes elle secoue son iPhone pour que l'écran repasse en lecture verticale. Elle a des écouteurs sur les oreilles.

Comme la foule est moins serrée je peux ouvrir mon livre; je me plonge dans L'Inauguration de la salle des Vents, à la recherche de certains mots. Je ne l'ai pas relue depuis Journal de Travers, de nombreux passages acquièrent une nouvelle épaisseur. Je lis.
p'têt pas rompu rompu, y z'ont jamais vraiment rompu, surtout que bon, officiellement, tu m'diras y avait rien à rompre, mais bon, quand même i z'étaient ensemble, et un beau jour crac tu sais pas trop pourquoi, p'têt pa'ce q'le mec il avait peur d'êt malade comme ça à l'étranger, hyperloin d'sa famille et tout, ou même pa'ce qu'i sentait bien qu'question soutien moral et tout, si tu vois c'que j'veux dire, ça allait p'têt pas être idéal-idéal, bon i's'barre bon ben l'aut' déjà là ça aussi déjà ça l'arrangeait pas mal, si tu r'gardes bien, ça voulait dire qu'il aurait pas à s'taper sept huit piges d'un mec que tu savais bien comment qu'tout ça barré comme c'était barré ça allait s'finir, et bon ben lui il était couvert, si tu vois c'que j'veux dire, i pouvait s'dire ben ouais o.k. d'accord o.k. tout ça c'est bien triste, mais quand même c'est pas mon problème, le mec i m'a quitté i m'a quitté, c'est quand même pas moi que j'l'ai laissé tomber pa'ce qu'il était malade, ça a rien à voir, et là pareil l'coup du téléphone … (p.302)
Je sens un regard sur la page, un poids. Je relève la tête. Elle est en train de lire. J'imagine les mots arrivant à sa conscience, à sa compréhension. Nos yeux se croisent, je lui souris, elle me rend un sourire hésitant, étonné.

Préjugé ou constat ?

— Les premières filles furent admises à Sciences Po l'année du Congrès de Tours. Il y avait eu des résistances, l'un des directeurs soutenait qu'une fille, c'était cinq garçons qui ne travaillaient pas.
— Il avait raison à double titre: si la fille est jolie, elle les déconcentre pour les raisons qu'on imagine, et si elle ne l'est pas, elle se lance dans l'agitation politique !

Wonderbra

Vendredi, RER.

L'esprit dans le vague, je suis en train de m'endormir quand j'entends une voix claire affimer:
— Si tu mets un serre-taille tu les remontes, mais si tu mets un bustier tu les fais ressortir.

J'ouvre les yeux, je regarde. Deux jeunes filles, une blonde et une brune, sont assises de part et d'autre de l'allée centrale. C'est la brune qui a parlé. Elle mélange les codes, bague gothique articulée en plusieurs phalanges et kéfier. Elle continue son exposé avec beaucoup de précisions. En face de la blonde, le black aux casques dans les oreilles n'a sans doute rien entendu. Mais que peut bien penser le cinquantenaire plongé dans son livre en face de la brune?
Je n'arrive pas à voir le titre du livre. Il a l'air passionnant.

Dans le wagon, personne n'a bronché, pas un sourire.
Je me rendors, entendant vaguement des conseils sur les vernis à ongles.

Séparation

Je regarde une jolie jeune fille et une beau jeune homme se séparer devant la station de métro. Il se penche pour l'embrasser, elle recule un peu avant d'avancer les lèvres, ils se bécotent.
Et je me surprends à penser: «Mais vas-y, sotte, roule-lui un patin à lui ramoner l'âme!»

Je descends l'escalier.

Discrimination

Je feuillette négligemment Le Figaro qui traîne sur la table. Des filles en robe de bal. J'adore. Je regarde les robes, les prénoms, je lis.

— Oh, la fille de Carrie Fisher au bal des débutantes !
Je relève la tête. Ma collègue me regarde, interrogative.
— Ah oui, tu ne sais pas qui c'est... La fille de la princesse Leia, mais si, dans le premier Star Wars!

Avec qui dansent-elles, ces jeunes filles? Où sont les hommes? Pourquoi n'avons-nous jamais quelques post-ados en smoking pour nous rincer l'œil?

Que fait la Halde?

Carole à l'Assassin

J'ai pris une seconde photo à l'Assassin, une photo de Carole. Je ne sais pas si elle était là pour Embruns ou pas. Elle jouait avec des boules lumineuses qui changeaient de couleur avec la chaleur.
Quand je lui ai demandé comment lui transmettre la photo, elle m'a dit qu'elle était sur facebook. La photo de son profil est encore plus jolie.

(Photo dédicacée à Sk†ns, bien entendu, puisqu'il voulait savoir s'il y avait des nanas).

Flamme rose

Hier, 18h34, quai du RER D aux Halles

Une black et une beurette discutent sur le quai en attendant le train. Elles ont autour de vingt ans, la noire porte un corsage blanc à pois verts, elle explique :
« Alors ch’fais l’ménage, tu vois, et qu’est-ce que j’ trouve dans le placard ?... Un paquet de tampax ! J’ui dis c’est quoi ça, i’m’répond ch’ais pas, c’est pas à toi ? J’dis non, j’me sers pas d’ça, moi, c’est quoi c’truc ?! Oh rien, c’est mon ex qu’a dû le laisser. J’avais la rage, tu vois, j’ui dit tu m’jettes ça à la poubelle tout de suite ! Et après i’m’dit et dans la salle de bain tous les produits Yves Rocher, c’est à toi ? Ben non, j’ui réponds. Alors c’est pareil, ça doit être à une fille qu’a tout laissé. J’étais vénère, tu vois, i’ fait jamais le ménage… »

Le reste s'est perdu avec l'arrivée du train.

Une tête de circonstance

Jeudi soir, RER. Ils montent au dernier moment, il n'y a plus de place, ils restent debout. Ils sont jeunes, quinze ou seize ans, et joyeux. Elle est petite, vive, souriante, les dents blanches, les cheveux et les yeux très noirs, il est café au lait, le visage tavelé, intimidé, visiblement heureux d'être là avec elle qui est jolie et parle tout le temps.
Je n'écoute pas mais j'entends, comme tous les voyageurs sur la plateforme. Peu à peu nous écouterons, nous sourirons.

— … une vraie geule d'enterrement !
— … (sourire interrogateur et embarrassé de qui ne comprend pas)
— Tu ne sais pas ce que c'est qu'une gueule d'enterrement ?
— Non, dit-il dans un souffle, sans perdre le sourire qui ne le quitte pas, mais gêné de son ignorance.
— Mais c'est facile à comprendre, quand même!
— …
— Quelle tête tu ferais à un enterrement ?
— …
Il secoue la tête, souriant, non vraiment, il ne sait pas. J'ai dans l'idée qu'elle l'éblouit trop pour qu'il réfléchisse. La plateforme sourit, nous pensons tous la même chose.
Elle éclate de rire :
(Incrédule) Tu ferais cette tête-là à un enterrement? (Moqueuse et définitive) Eh bien, je ne t'inviterai pas à mon enterrement !
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